Mélanie Waldor (1796-1871) – réception critique
Bulletin littéraire
V.S.
Gaëtan de Wismes
Y
Bulletin littéraire
Le Livre des jeunes filles renferme de charmans contes fort bien écrits, remplis d’intérêt et offrant d’excellentes leçons pour la conduite de la vie. Nous n’avons qu’un regret à exprimer, c’est qu’ils ne soient pas tous pour le même âge, ou à peu près, et que l’auteur n’ait pas plutôt publié deux volumes, l’un pour les jeunes enfans, l’autre pour les demoiselles de seize à dix-huit ans. En effet, le premier de ces contes, La Pension et les Deux Mariages, peint les suites de deux unions contractées, l’une par inclination du cœur, comme cela devrait toujours être pour produire le bonheur, et l’autre par vanité et convenance sociale, comme cela n’a que trop souvent lieu pour le malheur de la société. C’est une leçon bonne et forte qui s’adresse aux jeunes personnes à marier et en même temps aussi à leurs mères; car il arrive bien, encore quelque fois, que les parens compromettent tout l’avenir de leurs enfans en cédant à une pensée d’orgueil, en les sacrifiant à un mouvement d’ambition. Mais le second conte, Valérie, est destiné à de beaucoup plus jeunes enfans, qui seraient incapables de comprendre le précédent. Il présente d’une manière très-frappante les fâcheuses suites de la désobéissance ; l’histoire d’un pauvre petit garçon qui fut puni d’une cruelle manière pour n’avoir pas suivi les recommandations de ses bons parens, y est racontée avec beaucoup de simplicité et de charmes. Enfin la Mère Godin et Une Leçon, s’adressent à un âge plus avancé, et sont desinés à émouvoir la sensibilité, à former le cœur et l’âme.
Revue critique des livres nouveaux, 1835
V.S.
Le nom de Mme Mélanie Waldor n’est pas nouveau dans la littérature de notre époque. Déjà cette dame s’est présentée plusieurs fois au public, et chaque fois le public l’a gracieusement accueillie. On se rappelle le succès de l’Écuyer d’Auberon et des Pages de la vie intime. On sait en outre que Mme Waldor est poète et on n’a pas oublié les heures agréables que la lecture de ses poésies a ménagées aux âmes encore jeunes et aux cœurs aimans.
L’Indépendant : ci-devant la Semaine, 1837
Gaëtan de Wismes
Femme de lettres, à l’imagination fertile, à la pensée haute, au style vif et brillant ; femme du monde, accueillante et recherchée, dont le salon modeste était fréquenté par les maîtres de la plume ; femme de cœur, avide de soulager toutes les misères, de rendre service au premier venu, organisatrice entendue et infatigable de concerts de charité, Mélanie Waldor fut tout cela.
Annales de la Société royale académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, 1904
Y
Les Poésies du cœur de Mme Mélanie Waldor s’efforcent au moins de répondre à leur titre. Cette dame ne fait pas un si grand abus que Mme Louise Colet du luth, de la lyre et du délire. Elle ne s’essouffle pas autant à appeler la gloire et à crier son enthousiasme par-dessus les toits. Sa douleur est aussi plus à la portée de notre pitié. Elle daigne nous dire les raisons qu’elle a d’être triste et de s’affliger. Mme Mélanie Waldor n’en est pas à pleurer des biens impalpables et sans substance; ce sont toutes choses positives et bien définies qu’elle regrette. S’agit-il d’amour? C’est le jeune homme pâle, mais très réel, dont elle accuse l’inconstance. Elle l’accuse, bon Dieu! mais si doucement, si faiblement! Elle voudrait tout pardonner! Puis elle l’a revu au bal; il était pâle toujours, le pauvre jeune homme! et il a détourné la tête. Ou bien, s’il a parlé, sa parole était de glace comme son air. De la nombre d’élégies amoureuses dont les griefs sont nettement établis, parfaitement fondés en droit et qui se maintiennent dans les bornes d’une sensibilité décente et. modérée. Mme Mélanie Waldor a d’autres élégies pour des douleurs moins directes et plus générales. Elle va errant par le cimetière de croix en croix, pleurant sur la tombe des jeunes filles mortes à la fleur de l’âge.
Toute cette poésie est assez monotone, mais sa monotonie n’incommode ni ne fatigue. C’est le bourdonnement de la basse qui n’assourdit pas au moins l’oreille comme la fanfare éclatante des poètes à enthousiasme continu. Mme Mélanie Waldor a, du reste, mal à propos appliqué à sa versification élégiaque la variété des rhythmes remis en honneur par l’école moderne. La marche lente et mesurée de l’alexandrin convenait mieux. On s’impatiente de l’allure trainante de ses strophes. On se demande où sont leurs ailes. A quoi bon tout cet équipage lyrique? Ce n’était pas la peine de monter le plus rapide des coursiers poétiques pour lui tenir la bride et aller le pas. N’était son soin supérieur de la forme, Mme Mélanie Waldor appartiendrait pleinement à l’école de Mme Dufresnoy et Victoire Babois. Elle tient à ces dames par le tour et le penchant du cœur, et à la manière nouvelle par le rhythme et la rime.
Revue des deux mondes, 1836