Jules Barbey d’Aurevilly
Charles Baudelaire
Adélaïde Dufrénoy
Victor Hugo
Sophie Gay
Émile Montégut
Charles Augustin Sainte-Beuve
Paul Verlaine


Jules Barbey d’Aurevilly

Mme Desbordes-Valmore, qui n’avait commencé qu’avec de l’âme et qui a fini par avoir réellement du talent, montre bien, par ce talent même, que la femme, dont la gloire est de réfléter ceux qu’elle aime, ne peut jamais avoir de profonde ou de saisissante originalité. . . . Tout n’y est-il pas des meilleures qualités de cette femme, adorable par moments, qui n’est pas un poète, mais une femme qui, pour le coup, a passé bien près de la poésie, en nous passant si près du cœur ?… Tout n’y est-il pas et jusqu’au rhythme, le rhythme acquis, victoire sur elle-même !

Les poètes, 1968


Charles Baudelaire

Si le cri, si le soupir naturel d’une âme d’élite, si l’ambition désespérée du cœur, si les facultés soudaines, irréfléchies, si tout ce qui est gratuit et vient de Dieu, suffisent à faire le grand poète, Marceline Valmore est et sera toujours un grand poète. Il est vrai que si vous prenez le temps de remarquer tout ce qui lui manque de ce qui peut s’acquérir par le travail, sa grandeur se trouvera singulièrement diminuée ; mais au moment même où vous vous sentirez le plus impatienté et désolé par la négligence, par le cahot, par le trouble, que vous prenez, vous, homme réfléchi et toujours responsable, pour un parti pris de paresse, une beauté soudaine, inattendue, non égalable, se dresse, et vous voilà enlevé irrésistiblement au fond du ciel poétique. . . . Mme Desbordes-Valmore fut femme, fut toujours femme et ne fut absolument que femme ; mais elle fut à un degré extraordinaire l’expression poétique de toutes les beautés naturelles de la femme.

La Revue Fantaisiste, 1861


Adélaïde Dufrénoy

Je lis l’éloge de Mme. Desbordes-Valmore dans les journaux, je souhaite la lire elle-même, ses poésies sont sous mes yeux, je les dévore, et je sens que je ne pourrai m’empêcher d’unir ma voix à celle des estimables écrivains qui lui ont donnéleurs suffrages. Dans cette disposition d’esprit, le hasard me révèle quelques particularités sur Mme. Valmore, je sais qu’il est possible qu’elle soit obligée de ne plus se consacrer à la poésie. Je ne connais pas Mme. Valmore, je ne l’ai jamais vue, mais je brûle de la savoir heureuse. Je ressens pour elle les regrets que j’ai sentis pour moi, et j’élève ma voix autant que le puis pour dire : Notre siècle possède une véritable Deshoulières, plus peut-être qu’une Deshoulières ; et je m’efforcerai de lui faire des amis de tous nos lecteurs.

De Mmes Bourdic-Viot, Desroches, Verdier, Victoire Babois: De l’idylle, de l’élégie, et des poésies de Mme Desbordes-Valmore. » Revue Encyclopédique, 1820


Victor Hugo

Ce volume est un des recueils poétiques les plus remarquables qu’on ait publiés depuis long-temps. La critique y peut reprendre des répétitions, des négligence, quelque fois de l’obscurité, un emploi trop fréquent de certaines expressions, telles que sensible, pauvre,
petit. etc., qui sentent l’affectation à force de naturel : la poésie de Mme Desbordes-Valmore est essentiellement rêveuse, et rien n’est plus éloigné de la mélancolie que la mignardise. Je ne légères imperfections, je ne reprendrai même point dans des vers constamment harmonieux des hémistiches durs, tel que inexplicable cœur, ou des rimes comme mien et chagrin, monde et tombe ; tâches faciles à effacer. Il est une observation plus importante que je soumettrai à l’auteur. La muse de Mme Desbordes-Valmore est triste, et, chose sinulière ! ce n’est presque jamais au ciel qu’elle va chercher ses consolations ; elle ne songe en quelque sorte à Dieu que dans trois ou quatre élégies touchantes sur la mort de son enfant. Sa douleur est toute terrestre, à moins qu’elle ne devienne maternelle. Il me semble que Mme Desbordes-Valmore n’a encore obtenu que la moitié du triomphe réservé à un talent tel que le sien ; ses vers passionnes vont au cœur : qu’elle leur imprime un caractère religieux, ils iront à l’âme.

Poésies de Mme Desbordes-Valmore Le Conservateur Littéraire, 1821


Sophie Gay

Comme tous les auteurs d’élégies, madame Valmore soupire pour un volage ; mais parfois échappant à la monotonie du genre, elle sait mêler à ses regrets douloureux une aimable philosophie, et déplorer aussi bien les préjugés du monde, que les perfidies de l’amour. En lisant ses vers sur le malheur de jouer la comédie, comment ne serait-on vers sur le malheur de jouer la comédie, comment ne serait-on pas ému du sentiment que lui inspire le préjugé barbare qui condamne au plus injuste mépris l’objet d’une admiration générale ?

« Compte rendu de Poésies par Marceline Desbordes-Valmore La Minerve Littéraire, 1820


Émile Montégut

Le nom de Mme Desbordes-Valmore réveillait en lui l’idée d’une femme poète, auteur de vers faciles, mélodieux, élégans : il la considérait comme un écho de la poésie lyrique de ce siècle et la rattachait au groupe de l’école romantique; il n’a jamais su très nettement qu’elle ne devait sa poésie qu’à elle-même, et qu’elle était, dans le genre qui lui était propre, un poète aussi original, sinon aussi puissant, que les grands poètes de l’école romantique. Son vrai public, chose curieuse à dire, était celui des poètes. Pour ses confrères en poésie seulement, elle était autre chose qu’une ombre et un écho : eux seuls connaissaient sa valeur et rendaient hommage à son mérite, eux seuls savaient qu’elle faisait partie de leur bande sacrée et la saluaient comme une sœur malherueuse, une victime de la Muse, dont ils étaient les favoris.

“Portraits poétiques: Marceline Desbordes-Valmore” Revue des Deux Mondes 6, 1860


Charles Augustin Sainte-Beuve

C’est un de nos vœux qui s’accomplit aujourd’hui : nous avions désiré toujours qu’un volume contînt et rassemblât la fleur, le parfum de cette poésie si passionnée, si tendre, et véritablement unique en notre temps. Madame Valmore s’est fait une place à part entre tous nos poètes lyriques, et sans y songer. Si quelqu’un a été soi dès le début, c’est bien elle : elle a chanté comme l’oiseau chante, comme la tourterelle démit, sans autre science que l’émotion du cœur, sans autre moyen que la note naturelle. De là, dans les premiers chants surtout, qui lui sont échappés avant aucune lecture, quelque chose de particulier et d’imprévu, d’une simplicité un peu étrange, élégamment naïve, d’une passion ardente et ingénue, et quelques-uns de ces accents inimitables qui vivent et qui s’attachent pour toujours, dans les mémoires aimantes, à l’expression de certains sentiments de certaines douleurs.

Préface des Poésies, 1842


Paul Verlaine

Nous proclamons à haute et intelligible voix que Marceline Desbordes-Valmore est tout bonnement, – avec George Sand, si différent, dure, non sans des indulgences charmantes, de haut bon sens, de fière et pour ainsi dire de mâle allure – la seule femme de génie et de talent de ce siècle et de tous les siècles en compagnie de Sapho peut-être, et de sainte Thérèse.

“Marceline Desbordes-Valmore” Les poètes maudits de Paul Verlaine, 1982
 

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