Louise Michel (1830-1905) – réception critique
Xavière Gauthier
Paul Verlaine
Xavière Gauthier
Sa poésie suit les drames, bonheurs et aventures de sa vie extraordinaire: poèmes-cris jetés des prisons de Versailles pour tenter de sauver l’homme qu’elle aime: poèmes amples et exaltés sous les cyclones de la Nouvelle-Calédonie où elle est déportée pendant sept ans; pièces plus directement sociales et politiques pendant toutes les années de propagande fiévreuse à travers la France et à l’étranger. Les compagnons anarchistes et/ ou amis lui demandent souvent des poèmes de circonstance qu’elle compose avec plaisir: mariage (celui de Verlaine, par exemple), naissance, mort (celle de Blanqui, par exemple). Absorbée par son engagement auprès des groupes politiques, elle fréquente peu les mouvements littéraires (Elle est simplement sociétaire de l’Union des poètes en 1862 et, le 20 octobre 1886, elle participe à une conférence littéraire au bénéfice du groupe des Décadents). Mais il faut reconnaitre l’abondance et l’originalité de la poésie de celle que Verlaine saluait comme « la Muse rauque et fragile/Du Pauvre » et dont Hugo qualifiait les vers de « mystérieux et doux ». Ses poèmes ont pour elle une fonction d’efficacité, comme les chansons (qu’elle compose également en grand nombre), comme « La Marseillaise », dont elle a écrit plusieurs versions, et « L’Internationale »: les poèmes doivent provoquer l’émotion qui entraîne vers l’action ou atteindre l’ennemi comme une balle de carabine. Cette fonction agressive du poème s’est parfois retournée contre elle ; les Archives de la guerre ne conservent-elles pas une copie, certifiée Ne varietur, d’un de ses poèmes « Les Vengeurs », sans doute comme « preuve » de son activité de pétroleuse puisque les mots « feu purificateur » et « flammes vengeresses » y sont soulignés.. N’oublions pas, toutefois, toute une veine de poèmes qui disent la tendresse, l’amitié, les regrets, la fusion avec la nature – mais lorsque cette nature prend la forme des impressionnantes tempêtes océanes, elles deviennent métaphores de la révolution…
“Louise Michel.” Femmes poètes du XIXe siècle une anthologie, 2010
Paul Verlaine
Madame et Pauline Roland,
Charlotte, Théroigne, Lucile,
Presque Jeanne d’Arc, étoilant
Le front de la foule imbécile,
Nom des cieux, cœur divin qu’exile
Cette espèce de moins que rien
France bourgeoise au dos facile,
Louise Michel est très bien.
Elle aime le Pauvre âpre et franc
Ou timide, elle est la faucille
Dans le blé mûr pour le pain blanc
Du Pauvre, et la sainte Cécile
Et la Muse rauque et gracile
Du Pauvre et son ange gardien
À ce simple, à cet indocile.
Louise Michel est très bien.
Gouvernements de maltalent,
Mégathérium ou bacille,
Soldat brut, robin insolent,
Ou quelque compromis fragile,
Géant de boue aux pieds d’argile,
Tout cela son courroux chrétien
L’écrase d’un mépris agile.
Louise Michel est très bien.
ENVOI
Citoyenne ! votre évangile
On meurt pour ! c’est l’Honneur ! et bien
Loin des Taxil et des Bazile,
Louise Michel est très bien.
Amour, 1888