Louisa Siefert (1845-1877) – réception critique
Charles Asselineau
Irène Chichmanoff
Emmanuel des Essarts
Paul Mariéton
Abel Peyrouton
Arthur Rimbaud
Ludovic Spizio
Claire Stephens
Charles Asselineau
Un poëte, après une première lecture des Rayons perdus, écrivait pour résumer son jugement : ‘Très féminin de sentiment & en même temps très viril d’expression.’ Ce double mérite, ces deux mérites contrastés suffisent pour constituer à l’auteur une véritable originalité & pour expliquer son succès, cet étrange succès, étrange de nos jours, de cinq cents exemplaires vendus en moins d’un mois.
Préface de la seconde édition des Rayons perdus, 1869
Irène Chichmanoff
C’est Mme Louisa Siefert qui a porté à sa perfection cette poésie du cœur déçu et douloureux dont Mmes Desbordes-Valmore et Blanchecotte avaient déjà su exprimer de si profonds accents. Il était réservé à cette frêle jeune fille de dire de la manière la plus juste et la plus complète ce que la femme peut souffrir par l’amour. C’est donc encore une poésie purement sentimentale que nous offre Mme Louisa Siefert, mais l’expression de cette poésie a acquis dans ses mains une précision, une netteté, un réalisme auquel le mouvement naturaliste a beaucoup contribué.
Étude critique sur les femmes poètes en France au XIXe siècle. Thèse. Berne. 1910
Emmanuel des Essarts
La poésie française vient de subir une perte des plus douloureuses : en pleine floraison d’âge et de génie, Louisa Siefert a été ravie aux musées, à la famille, à l’amitié. Car Mme Louisa Pène-Siefert était, à ne pas en douter, avec Mme Ackermann et Mme Blanchecotte l’une des trois femmes réellement douées pour l’art du rythme qui se soient révélées en notre dernière période littéraire. […] À cette harmonieuse triade revenait uniquement le don suprême, c’est-à-dire, l’originalité, la nouveauté divine et souveraine… elles seules avaient ajouté une note personnelle et neuve à la poésie de notre temps.
Revue Bleue,1881
Paul Mariéton
Je viens de lire et relire les pages consacrées par Mme Siefert à la mémoire de sa fille. C’est navrant. Ce livre charme et étonne à la fois, de la part d’une mère. Une existence douloureuse secouée d’exaltations, des déceptions sans nombre faiblement compensées par la vision lointaine d’une gloire désirée et qui tarde à venir, voilà la vie, voilà la poésie de Louisa Siefert. […] Savez-vous qu’il est grave pour un poète de livrer au public les confidences de son cœur, plus grave encore si ce poète est une femme, tout à fait périlleux enfin, si cette femme est une jeune fille.
Joséphin Soulary et la Pléiade lyonnaise, 1884
Abel Peyrouton
Pagny (un sculpteur) a fortement accusé cette nature complexe : le buste de Louisa Siefert dit la poésie, le charme de cette âme d’élite ; il dit aussi les nobles révoltes de celle qui, dans les affolements de la défaite, sentit la morsure et l’outrage du vainqueur, de la femme qui au soleil de sa jeunesse eut cette grandeur de tressaillir sur la tombe de Caton et de rappeler au monde les fières vertus des stoïques. Avant tout la femme, Louisa Siefert fut de son sexe; elle aima.
“Louisa Siefert et son œuvre,” Lyon-Revue, 1880
Arthur Rimbaud
Vous aviez l’air de vouloir connaître Louisa Siefert, quand je vous ai prêté ses derniers vers ; je viens de me procurer des parties de son premier volume de poésies, les Rayons perdus, 4e édition. J’ai là une pièce très émue et fort belle, Marguerite. — C’est aussi beau que les plaintes d’Antigone [anumphé] dans Sophocle.
Lettre à Georges Izambard, 1870
Ludovic Spizio
L’œuvre de Louisa Siefert est la manifestation de trois personnalités : d’une femme, d’une patriote, et d’une artiste. La femme a écrit Rayons perdus, les Stoïques, les Poésies inédites ; la patriote, les Saintes Colères ; l’artiste, l’Année républicaine, les Comédies romanesques, Méline.
“L’Âme féminine : Louisa Siefert.” Revue Internationale, 1887
Claire Stephens
Ceux qui ont eu le privilège de voir Louisa Siefert à Aix, “lors de sa dix-septième année,” en ont conservé un souvenir qu’ils aiment à rappeler. C’est ainsi que nous voulons la voir une dernière fois; évoquons-la dans sa robe bleue aux blanches dentelles, le teint transparent, éclairée et comme consumée par une flamme intérieure, presque diaphane, absorbée par le sentiment si pur qui l’inspire et fait briller sur son front la poétique auréole de ses Rayons perdus.
“Un vrai poëte: Louisa Siefert.” Bibliothèque Universelle et Revue Suisse, 1878