Élisa Mercœur (1809-1835) – réception critique
Orain Adolphe
Émile Deschamps
Alphonse de Lamartine
Chapplain Ludovic
Léon Séché
Orain Adolphe
C’est à cette époque qu’elle s’éprit d’un goût véritable pour la poésie et qu’elle produisit même de ravissantes petites pièces dont les principales sont : Dors, mon ami, -Ne le dis pas, -Le réveil d’une vierge, -et La feuille flétrie ; toutes choses charmantes, d’où un air de jeunesse se trahit, d’où s’exhalent une douce fraîcheur naïve et un suave parfum de grâce et de mélancolie.
Quoique pleins d’énergie et de force, les vers d’Élisa sont empreints d’une sensibilité très-grade, d’une tristesse excessive. Elle affectionne les sujets sombres : Le déclin du jour, -L’ombre, -Une nuit, -Le clair de lune, -Tout est passé, -Adieux à l’existence, -Le cimetière.
À l’aube de la vie, quand le cœur devrait être joyeux comme un chant de mésange, quand la tête devrait être remplie de rêves éblouissants, des larmes seules tombent de la plume de la jeune muse ; elle semble lire au livre du destin l’avenir qui l’attend.
« Galerie des poètes bretons », Revue de Bretagne et de Vendée, 1866
Émile Deschamps
On est frappé d’étonnement quand on songe qu’une poésie si élevée, si vigoureuse, une versification si mélodieuse et si savante, se trouvent sous la plume d’une demoiselle de dix-huit ans, élevée loin de la capitale et hors du cercle et du mouvement littéraire; c’est plus que jamais le cas de s’écrier: Nascitur poeta!
Quoted in Mercœur, Œuvres poétiques, clxvi–clxvii; emphasis in original
Alphonse de Lamartine
J’ai lu avec autant de surprise que d’intérêt les vers de mademoiselle Mercœur, que vous avez pris la peine de me copier. Vous savez que je ne croyais pas à l’existence du talent poétique chez les femmes : j’avoue que le Recueil de madame Tastu m’avait ébranlé ; cette fois-ci je me rends ; et je prévois, mon cher, que cette petite fille nous effacera tous tant que nous sommes.
Quoted in Mercœur, Poésies, xii–xiii; emphasis in original
Chapplain Ludovi
Soyons francs avec Mlle Êlisa Mercœur, car c’est le rôle que nous avons à remplir prés d’elle ; nous fûmes les premiers à applaudir à ses heureux essais, nous lui devons aujourd’hui toute la vérité. Ces piéces nouvelles sont bien, mais elles ne sont pas mieux que les anciennes : à côté des beautés du même ordre, ou retrouve encore les mêmes défauts : c’est encore cette marche inégale qui annonce l’absence de tout plan, c’est encore de temps-en-temps ce style tourmenté, qui vise à la bizarrerie, et jette de l’obscurité sur les pensées. Que Mlle Élisa Mercœur y prenne garde, elle va trouver à Paris les guides les plus expérimentés, comme aussi les plus faux et les plus perfides : chaque cotterie cherchera à l’attirer à soi pour lui communiquer l’esprit de la secte. Puisse-t-elle n’écouter que les inspirations de son cœur, que les conseils de la raisons ! Continuez, jeune femme, lui dirons nous ; vous êtes poéte, vos triomphes nous serons chers ; mais si jamais vous cessiez d’être vous-même, si vous abandonniez la véritable route que vous a révélée votre génie, tournez les yeux vers votre ville natale, vous y trouvez des amis qui ne consentiront jamais à vous abuser, ni à vous voir méconnaître votre heureuse vocation.
« Poésies de Mademoiselle Élisa Mercœur, » La Revue de l’Ouest, 1829
Léon Séché
Elle avait véritablement reçu le baiser de la Muse. Il y a du souffle, de l’inspiration, de l’harmonie dans ses compositions poétiques. Je dirai même que ces vers, comme ceux de Mme de Girardin avec qui elle a plus d’un point de ressemblance, sont plus d’un homme que d’une femme. Sa pièce au roi Louis-Philippe sur les insurrections de juin 1832, et ses Stances à la France que publièrent les Débats du 9 janvier 1833 (2), font songer aux chants de la Muse de la Patrie. Et nul doute que, si cette jeune fille au cœur mâle, était née sous la même étoile que Delphine Gay, elle eût fourni comme elle une carrière glorieuse.
« Élisa Mercœur: À propos du centenaire de sa naissance, » Les Annales Romantiques, 1909
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