Louisa Siefert : Veillée
Poésies inédites (1881)
VEILLÉE
La bûche au foyer siffle et chante ;
Elle dit les temps d’autrefois,
Et cette étrangeté m’enchante
De prêter l’oreille à sa voix.
Les rayons ardents de la flamme
Lui rendent les rayons perdus,
Et les longs soupirs de mon âme
Et ceux du vent sont confondus.
Elle se souvient de l’aurore,
Alors qu’elle était chêne altier
Dans la grande forêt sonore
Au retrait vierge de sentier ;
Des fraîches sources jaillissantes.
Des chevreuils à ses pieds tapis,
Des nids pleins d’amours innocentes,
Des lointains échos assoupis ;
De sa rude écorce entamée
Par le chiffre à son sort lié,
Que l’amant et la bien-aimée
Ont tous deux si vite oublié ;
Elle répète la romance
Qu’ils disaient entre deux baisers,
Et toujours elle recommence
Le poème des jours passés.
Avec cette vieille harmonie,
Faite de tout ce qui n’est plus,
Elle berce son agonie :
— Ah ! qu’ils sont loin les bois feuillus,
Les aurores blondes et roses,
Les soirs criblés de flèches d’or,
Et l’amour, et toutes ces choses
Où son rêve se prend encor
Dans l’humble chambre du poète,
Sur les chenets incandescents,
Elle se consume inquiète,
En regrets, en vœux impuissants.
Et j’entends la voix redescendre
Aux sons les plus bas, les plus sourds.
— La flamme à présent n’est que cendre,
Et seul, mon cœur veille toujours.