Louisa Siefert : Parfois quand le courant
Poésies inédites (1881)
Parfois, quand le courant me soulève et m’entraîne
Loin de la rive avec sa vague souveraine
Qui se balance au sein de l’abîme béant,
Et va d’un pôle à l’autre en un bond de géant,
Je m’effraie à sonder la profondeur immense
De l’onde où mon voyage infini recommence ;
À sentir sur mon front, en de brûlants soupirs,
Le vent de la tempête et l’aile des désirs ;
À voir devant mes yeux un inconnu sans terme,
Tandis qu’à l’horizon s’enfuit la terre ferme,
Et que je me rappelle, en m’en allant ainsi,
D’autres départs déjà pareils à celui-ci.
Mais quand le flot s’arrête et quand la nuit retombe,
Lorsque je rentre au port comme dans une tombe,
Que nul souffle des cieux n’agite mon drapeau,
Et que tout s’est éteint, phare, étoile et flambeau,
Oh ! je me ressouviens de semblables désastres,
Et je crie à la mer, aux ouragans, aux astres :
Que me font par milliers les dangers à courir ?
Je veux avoir vécu pour pouvoir mieux mourir :
Car ce trouble, océan de mon âme mouvante,
Tantôt me désespère et tantôt m’épouvante.
Octobre, 187…