Poésies inédites (1881)

La mort

« Elle est amère et douce, elle est méchante et bonne. »
(Th. Gautier)
« Pourquoi vivre à demi quand le néant vaut mieux ? »
(Sully Prudhomme)

O la rafraîchissante et consolante idée.
Mourir ! Trouver enfin le silence et la nuit,
Fermer ses yeux au jour, ses oreilles au bruit,
Vider la coupe noire à ma soif accordée ;

Dormir, oublier ! Puis, toute l’éternité,
Rêver d’amour sans fin, rêver de paix sans lutte,
Ne plus craindre à mes pieds le piège ni la chute,
Et poursuivre à loisir l’idéale beauté !

Dans la grande tristesse il est ainsi des joies
Que l’homme méconnaît ou qu’il ne comprend pas.
Lasse du but manqué par chacun de mes pas,
J’ai fait, comme dit Job, le compte de mes voies ;

Et, pilote perdu qui renonce à son port,
Aux flancs de mon vaisseau jugeant les avaries,
J’ai vu sous la mer lourde un lit d’algues fleuries,
Car l’espoir, la promesse et le gain, c’est la Mort.

Juin 187…

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