Poésies inédites (1881)

 

« Gloire au cœur téméraire épris de
l’impossible ! »
Victor de laprade.
(Rosa Mystica.)

 

Je ne me plaindrai pas du sort qui me condamne
À m’arracher du cœur mes beaux espoirs contents ;
Je sais qu’au monde il n’est de fleur qui ne se fane,
Et qu’un trop chaud soleil peut brûler le printemps.

Je ne me plaindrai pas de l’orage qui roule,
Et, sombre, se déchaîne en mon ciel matinal ;
J’ai vu le grain de sable emporté par la houle
Et l’Océan fouetté par le vent boréal.

Je ne me plaindrai pas de l’amour que je pleure
Ni du mal dont je souffre et ne veux pas guérir ;
Je sais que même ainsi ma part est la meilleure :
J’ai vu le jour s’éteindre et des enfants mourir.

Non, mais je chanterai comme l’oiseau sauvage
Qui n’ose se fier qu’au seul écho des bois,
Et tout bas je dirai le sûr et lent ravage
Du poison enivrant dont j’ai soif et je bois.

Je dirai la douceur des larmes échangées,
L’orgueil du sacrifice en secret consommé,
Et le mystique attrait des peines prolongées
Qui fait qu’on bénit Dieu, rien que d’avoir aimé.

Rochefort, novembre 187…

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