Louisa Siefert : Excelsior
Poésies inédites (1881)
EXCELSIOR
I
Ce soir, quand le soleil disparut, l’horizon
Tout chargé de vapeurs était rouge, et, chauffée
Par les ardeurs du plus long jour de la saison,
L’atmosphère embrasait la poitrine étouffée.
C’était fête partout: sur l’onde et le gazon,
Laissant traîner les plis de sa robe étoffée,
Chancelante et soudain prise de déraison,
La nature portait l’été comme un trophée.
En vain au ciel en feu l’œil cherchait l’infini;
Par ces nuages d’or et de pourpre terni,
Il semblait dérober ses beautés sous leurs voiles;
Et la nuit seule, avec son silence et sa paix,
Arrachant l’azur sombre à ces rêves épais,
Sema l’immensité de ses gerbes d’étoiles.
II
Ainsi quand le bonheur a sur nous rayonné,
Quand nous avons noyé dans sa coupe fatale
L’instinct supérieur que Dieu nous a donné
Et le désir sacré de la soif idéale,
Lorsque, oubliant le but pour lequel il est né,
Notre cœur a perdu sa fraîcheur virginale,
Et que notre regard à la terre borné
Se détourne vers la félicité brutale,
Comme la nuit au charme austère et tout-puissant,
Sa tristesse d’en haut sur notre âme descend,
Grave, mystérieuse et de larmes suivie,
Cependant qu’entr’ouvrant l’éternel inconnu,
Sur notre front qui ploie au doute revenu,
Elle fait resplendir l’au delà de la vie.