Louisa Siefert : À une amie….
Poésies inédites (1881)
À une amie
QUI ME DEMANDAIT DES VERS POUR QUELQU’UN QUE JE N’AIMAIS PAS
Vous ne le croyez pas, mais je suis très sauvage :
Il faut m’apprivoiser comme un oiseau des bois,
Car ce n’est pas le bruit que recherche ma voix,
Ni le sonore écho d’un plus vaste rivage.
Je ne suis point peureuse et ne crains pas l’orage ;
Je braverai le sort demain comme autrefois ;
Pourtant, que mon regard se heurte à des yeux froids,
D’oser et de chanter je n’ai plus le courage.
Mon univers se borne au cœur de quelques-uns,
Plein pour moi de clarté, de flamme et de parfums :
C’est là le sûr asile où je vis enfermée.
Aidez-moi donc plutôt à cacher mon trésor,
Et gardez-en la clef pour y puiser encor :
Moi, j’ai besoin d’aimer autant que d’être aimée.
Rochefort, novembre 187…