Louisa Siefert : À une amie
Poésies inédites (1881)
À une amie
I
Quand, sur ton cœur brisé croisant tes mains tremblantes
Tu veux en contenir le dernier battement ;
Quand tombent sur ta lèvre, amères et brûlantes,
Ces larmes qu’aussitôt tu bois avidement ;
Quand, penché sous le poids de souffrances si lentes,
Ton front d’ange exilé, ton front triste et charmant,
Semble aux yeux se couvrir de tes ailes sanglantes,
Ou nous sourit encor pour cacher ton tourment.
Le soupir qui t’échappe et qu’on entend à peine,
Profond comme ton cœur, doux comme ton haleine,
Dans mon âme et ma vie a son écho secret.
Puisqu’ainsi chaque jour je t’aime davantage,
Souviens-toi qu’ici-bas moins âpre est le regret
Et moins sombre le deuil qu’à deux on se partage.
II
Je voudrais dans ta nuit rallumer une étoile,
Rouvrir ton horizon à l’infini de Dieu,
Et, rendant le sommeil à ta paupière en feu,
Pendant que tu t’endors tourner au vent ta voile.
Tu ne le saurais pas, mais quand la blanche toile
À ce souffle béni se tendrait peu à peu,
Quand le flot apaisé deviendrait rose et bleu,
À cette heure adorable où l’aube se dévoile,
Avec une chanson, un sourire, un baiser,
Comme un petit enfant je voudrais t’amuser
Et te montrer le ciel, la rive et leur mystère.
Réveille-toi, dirais-je, et regarde alentour :
Là-bas c’était l’exil, puisque c’était la terre ;
Là-haut c’est la patrie, ange, car c’est l’amour.
Les Ormes, juillet 187…