Louisa Siefert : À M. Emmanuel Des Essarts
Poésies inédites (1881)
À M. Emmanuel Des Essarts
Un secret de douceur se mêle à toutes choses,
Et la tendresse est belle au front rasséréné.
Frère, votre génie est ainsi couronné ;
Je le suis et l’admire en ses métamorphoses.
Un secret de douceur se mêle à toutes choses.
La tristesse n’est pas le seul trésor des dieux;
Quand vous nous ramenez à la vertu stoïque,
J’aime à trouver en vous cette voix héroïque
Qui remplit de soleil l’infini radieux.
La tristesse n’est pas le seul trésor des dieux.
Pour savoir bien pleurer, il faut savoir bien rire ;
Il faut que tour à tour, de l’abîme au sommet,
Le poète hardi que la Muse soumet
Accepte, dans ses mains, de n’être qu’une lyre.
Pour savoir bien pleurer, il faut savoir bien rire
Il faut ouvrir son âme, il faut donner son cœur,
Il faut vivre, en un mot, par toutes les puissances ;
Car les mâles vertus naissent des innocences,
Et c’est trop peu de vaincre, il faut rester vainqueur.
Il faut ouvrir son âme, il faut donner son cœur.
O sagesse clémente, ô splendeur indomptée !
Frère, qui, le premier, m’avez tendu la main,
Qui jonchez de rayons votre sombre chemin,
Et qui sortez aussi de la race d’Antée,
O sagesse clémente, ô splendeur indomptée !
Vous avez l’âpre soif que rien ne peut tarir,
La flamme que n’éteint ni le vent, ni la cendre ;
Du faîte des clartés vous voudriez descendre
Si vous pouviez au monde être seul à souffrir.
Vous avez l’âpre soif que rien ne peut tarir.
Frère, c’est juste et bien : béni soit votre exemple !
Le doute qui m’assiège à votre voix s’enfuit,
Et, s’il revient hanter et désoler ma nuit,
Je saurai que pour vous l’univers est un temple.
Frère, c’est juste et bien : béni soit votre exemple !
Allez toujours plus loin dans la vie et dans l’art,
Chercheur de liberté, d’amour, de poésie !
La route mène au ciel que vous avez choisie ;
Toute rude qu’elle est, c’est la meilleure part.
Allez toujours plus loin dans la vie et dans l’art.
Royat-les-Bains, juillet 187..