Poésies de Mlle Élisa Mercœur (1829)

Ne le dis pas

      Tiens, d’un secret je veux t’instruire ;
Mais j’ai peur de l’Écho, je parlerai tout bas,
      L’indiscret pourrait le redire ;
Il faut, petit ami, qu’il ne m’entende pas.

Écoute : Du rosier la feuille fugitive
      Tombe et s’envole en murmurant :
La feuille fait du bruit , je serai moins craintive ;
Le bruit m’a rassurée, et je tremble pourtant.
Qu’un secret fait de mal quand on n’ose l’apprendre !
Il semble qu’un lien l’attache sur le cœur.
Vois ; mon regard te parle, il est plein de douceur :
Dis-moi donc, mon ami, ne peux-tu le comprendre ?
      Il était prêt à se trahir,
Le secret que devait t’expliquer mon silence.
    Il s’échappait : timide en ta présence,
Ma bouche se referme et n’ose plus s’ouvrir.
    Bien tendrement la tienne a dit: je t’aime !
Lorsque ce mot si doux fut prononcé par toi ;
Méchant, c’est mon secret que ta bouche elle-même,
Comme un écho du cœur, t’a révélé pour moi.
    Tu le connais ; et peut-être parjure,
    Un jour, hélas ! tu le décéleras :
      Petit ami, je t’en conjure,
      Si tu le sais, ne le dis pas.

(Décembre 1825)

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