Ce qui est dans le cœur des femmes: Poésies nouvelles (1852)

Rimembranza

À UN AMI

De huil jours passés ensemble,
   Ce me semble,
En nous doit le souvenir
   Revenir.

La pensée est une trace
   Qui s’enlace
Aux cœurs, gardant en commun
   Son parfum

Ainsi qu’une amie absente,
   Caressante,
Elle vient avec sa voix
   D’autrefois,

Avec sa saveur intime,
   Qui ranime
Le sentiment effacé
   Du passé.

Et de nos heures mêlées,
   Envolées,
Nous ressentons le plaisir
   Nous saisir.

C’étaient de folles idées
   Saccadées,
L’épigramme et le bon mot
   Contre un sot ;

C’était quelque image émue
   Qui remue,
Et qui fait couler nos pleurs
   Les meilleurs,

C’étaient des retours d’envie
   Vers la vie,
Laissant déjà sur ses bords
   Tant de morts ;

Tant d’espérances trompées,
   Dissipées,
Et notre plus belle amour
   Morte un jour.

Nos souvenirs les plus tendres,
   Froides cendres,
Dont l’inexorable adieu
   Monte à Dieu !

Les amis comme les songes,
   Doux mensonges,
Oiseaux des nids renversés,
   Dispersés !

C’était de la poésie
   La magie,
Par qui tout ce qu’on croit mort
   Vit encor !

Goëthe, Byron, et toi-même,
   Toi qu’on aime,
Suspendant à vos accents
   Ame et sens.

Puis, lorsque tant de pensées
   Enlacées
À la bouche font oser
   Le baiser,

Follement on croit encore
   Qu’on s’adore,
Que le bonheur qu’on pleurait
   Renaîtrait.

Comme si notre pauvre âme,
   Qui s’enflamme,
Peut changer en jours fleuris
   Ses débris.

Ah ! les débris sont poussière
   Triste et chère,
Poussière où s`wchent les fleurs
   Et les pleurs.

Cette plage où rien ne pousse
&   Parait douce,
Mais sur elle, hors l’amitié,
   C’est pitié !

Elle traîne sur ses grèves
   Tous nos rêves,
Pour aimer, nos cœurs, hélas !
   Sont trop las !

Mais, si l’heure de l’ivresse
   Nous délaisse,
Faut-il donc se délier,
   S’oublier ?

Ne peut-on, sans se confondre,
   Se répondre,
Et se garder en secret
   Quelque attrait ?
1852

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