Louise Colet : Retour
Ce qui est dans le cœur des femmes: Poésies nouvelles (1852)
Retour
Tu repoussas l’amour ; de mon cœur arrachée,
Sa racine sécha pour ne plus refleurir ;
Ta main, comme la main d’un spectre, m’a touchée
On ne ranime pas ce qu’on a fait mourir.
Lorsqu’une source claire en flots riants murmure,
Si l’hiver tout à coup vient durcir son courant,
Elle offre encore aux yeux son cristal transparent ;
Mais, quand l’onde se fond, son onde n’est plus pure.
Si je te revoyais, si ton regard vainqueur,
Comme un rayon d’été qui pénètre et consume,
Amollissait ainsi la glace de mon cœur,
Tu n’y retrouverais que trouble et qu’amertume :
Plus rien du bel amour qui faisait mon orgueil,
Plus rien des grands désirs dont j’étais enflammée ;
Vouloir rouvrir une âme après l’avoir fermée,
C’est redemander l’être aux pierres du cercueil.
Car c’est notre destin, à nous, fils de la tombe,
D’éteindre aveuglément sans jamais rallumer,
D’abattre sans pouvoir relever ce qui tombe,
Et de tarir l’amour en qui sut nous aimer.
1846