Ce qui est dans le cœur des femmes: Poésies nouvelles (1852)

Orgueil

Va ! cherche encor de femme en femme ;
Je crains peu l’infidélité :
Tu ne trouveras pas mon âme,
Si tu trouves plus de beauté !

Je crains peu ces pâles jeunesses,
Ces fleurs que fanent vos amours,
Ces couronnes de vos ivresses,
Où le parfum manque toujours.

Vos forces succombent frappées
Par ces esclaves sans orgueil ;
Faibles têtes inoccupées,
Cœurs bornés qu’on lit d’un coup d’œil.

Leur main, quand leur bras vous enlace,
Dans la vôtre n’a pas frémi,
Et leur lèvre reste de glace
En murmurant le nom d’ami !

Elles vous rendent infidèles
Durant la nuit, dans le festin ;
Mais, mornes, vous rougissez d’elles
Aux blanches lueurs du matin.

Leur regard vous semble la vie ;
Leur parole, le sentiment ;
Mais, après la chair assouvie,
Sans maîtresse reste l’amant ;

Sans idéal reste l’artiste,
Sans appui, le cœur désolé ;
Vers elles, celui qui va triste,
Ne s’en revient pas consolé !

De votre mère, absente ou morte,
De votre ami, de votre honneur,
Des choses qui font l’âme forte,
De l’art et de Dieu… du bonheur,

Ne leur parlez pas : leur sourire
Accueille tout mot sérieux,
Leur main avide vous retire
De chaque sentier glorieux.

Elles enchaînent la pensée
Aux lourds cordages de la chair,
Et la font tomber affaissée.
Comme la voile où manque l’air.

Va ! cherche encor de femme en femme,
Je crains peu l’infidélité :
Tu ne trouveras pas mon âme,
Si tu trouves plus de beauté !
1847

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