Ce qui est dans le cœur des femmes: Poésies nouvelles (1852)

À Madame Roger-Valazé

I

À notre fille, à notre mère,
À notre amie, à notre sœur,
À toute femme aimante et chère
Livrons sans voile notre cœur.

Mais à l’homme qui nous captive,
Qu’il soit amant, qu’il soit ami ,
Dans nos pudeurs de sensitive,
N’ouvrons notre cœur qu’à demi.

Car il a ses secrets de honte,
Drame occulte, vie en deçà.
De vos douleurs nous rend-il compte,
O pauvres sœurs qu’il offensa !

Comment espérer qu’il se lie
Au cœur qui chaste s’est donné,
Lui dont l’âme garde la lie
De tout un passé profané !

Nos flammes tombent étouffées
Dans des cendres d’où rien ne sort ;
Nos fleurs vivantes sont greffées
Sur l’aridité d’un bois mort.

II


Voilà ce qu’à toutes murmure
La secrète voix des douleurs ;
Mais à celle de la nature
Nous sourions malgré nos pleurs.

Sitôt qu’un regard la pénètre,
Sitôt qu’un désir l’attendrit,
La femme abandonne son être,
Son amour soumet son esprit.

Son cœur trahit sa conscience,
Sa faiblesse éteint sa fierté ;
Son éternelle déchéance
Se revêt de félicité.

Et, dans sa force reconnue,
L’homme resserre, triomphant,
Le servage qui continue
Pour la femme toujours enfant.

1852

Retour à la table des matières